Article original
Impact de la maladie parodontale sur la pression artérielle des souris diabétiquesImpact of periodontal disease on arterial pressure in diabetic mice

https://doi.org/10.1016/j.ancard.2012.04.012Get rights and content

Résumé

Les maladies cardiovasculaires associées au diabète représentent un enjeu majeur dans les pays industrialisés en termes de santé publique. La parodontite, maladie infectieuse à manifestation inflammatoire des tissus supports de la dent, est étroitement liée à ces pathologies systémiques, via l’inflammation induite par les bactéries parodontales Gram négatif. L’objectif de cette étude est d’évaluer les effets de la maladie parodontale sur la pression artérielle chez des souris diabétiques. Seize souris C57BL/6 femelles ont été randomisées en deux groupes. Un groupe a reçu pendant un mois un inoculat de bactéries pathogènes pour le tissu parodontal (Porphyromonas gingivalis, Prevotella intermedia et Fusobacterium nucleatum), l’autre groupe servant de témoin non infecté. Un mois après, les souris des deux groupes ont été nourries avec un régime riche en gras (High Fat Diet, i.e. HFD) connu pour induire un diabète. Après trois mois de régime, la pression artérielle a été mesurée in vivo à la queue. Les mandibules ont été analysées par tomodensitométrie afin d’évaluer la lyse osseuse alvéolaire, une des caractéristiques de parodontite. Nos résultats mettent en évidence une lyse osseuse dans les deux groupes, le groupe de souris infectées présentant une résorption significativement majorée par rapport aux souris témoins. De plus, l’infection parodontale amplifie l’intolérance au glucose et la pression artérielle systolique et diastolique exacerbées par le régime HFD. En conclusion, la maladie parodontale majore les troubles métaboliques et l’hypertension artérielle induite par un diabète expérimental, et représente de ce fait un nouvel axe de recherche dans cette relation tripartite.

Abstract

Diabetes-driven cardiovascular diseases represent a high challenge for developed countries. Periodontal disease is strictly linked to the aforementioned diseases, due to its Gram negative–driven inflammation. Thus, we investigated the effects of periodontal disease on arterial pressure during the development of diabetes in mice. To this aim, C57BL/6 female mice were colonized with pathogens of periodontal tissue (Porphyromonas gingivalis, Prevotella intermedia and Fusobacterium nucleatum) for 1 month, whereas another group of mice did not undergo the colonization. Subsequently, all mice were fed a high-fat carbohydrate-free diet for 3 months. Then, arterial pressure was measured in vivo and a tomodensitometric analysis of mandibles was realized as well. Our results show increased mandibular bone-loss induced by colonization with periopathogens. In addition, periodontal infection augmented glucose-intolerance and systolic and diastolic arterial pressure, parameters already known to be affected by a fat-diet. In conclusion, we show here that periodontal disease amplifies metabolic troubles and deregulates arterial pressure, emerging as a new axis of metabolic investigation.

Introduction

Les maladies cardiovasculaires (MCV) représentent la principale cause de décès dans les pays industrialisés [1], [2]. Les facteurs de risque, tels que le diabète, l’hyperlipidémie et l’hypertension artérielle, sont présents chez 50 % des patients souffrant de MCV [3]. De plus, leur prise en charge réduit la morbidité et la mortalité [4]. Les maladies métaboliques et vasculaires présentent un point commun : une dysrégulation systémique des médiateurs pro-inflammatoires [5]. L’inflammation est associée à des dysfonctions endothéliales [6] entraînant un remodelage vasculaire à type de rigidité artérielle puis une hausse de la pression artérielle systolique et une baisse de la pression artérielle diastolique [7]. De plus, les maladies métaboliques comme le diabète et l’obésité sont également caractérisées par une réaction inflammatoire à « bas » bruit [8]. Les cellules du système immunitaire inné macrophages et cellules dendritiques ainsi que les lymphocytes tissulaires, sont activées par l’état métabolique et libèrent des cytokines et chimiokines pro-inflammatoires qui altèrent l’action de l’insuline, ce qui contribue au développement de la maladie métabolique [8]. L’origine des facteurs initiateurs de la réaction inflammatoire est peu connue. Des travaux récents ont démontré que la concentration en dérivés de bactéries Gram négatif (Gram−), les lipopolysaccharides (LPS), est augmentée dans le sang chez l’homme et les modèles animaux de diabète et obésité. On parle d’endotoxémie métabolique [9]. Elle est notamment corrélée avec la proportion de graisses dans la ration alimentaire [10] qui modifie la flore intestinale en favorisant un enrichissement en bactéries Gram−. Ainsi, une relation entre régime gras, flore intestinale, endotoxémie et maladie métabolique a été montrée. Leur lien conceptuel avec la maladie parodontale (MP) est dû au fait qu’elle est aussi une maladie infectieuse bactérienne à Gram− à manifestation inflammatoire [11]. Les MPs sont décrites comme des lésions qui intéressent l’ensemble des tissus de soutien de la dent (gencive, os, ligament et cément) [12]. Par ailleurs, cette affection orale contribue à diffuser des LPS et des molécules pro-inflammatoires dans le sang générant un état inflammatoire chronique aggravant les maladies métaboliques [13], [14]. Ce contexte inflammatoire est également propice à l’hypertension artérielle [8]. Ainsi, plusieurs arguments suggèrent une relation forte entre maladies métaboliques, MP et hypertension dont l’origine pourrait être l’inflammation initiée par un changement de flore buccale inflammatogène Gram−.

L’objectif de la présente étude est d’évaluer les effets d’une infection parodontale sur la pression artérielle dans un contexte de maladie métabolique comme le diabète. Ainsi, nous proposons qu’une charge bactérienne Gram− parodontopathogène puisse favoriser l’émergence ou l’aggravation de l’hypertension artérielle.

Section snippets

Méthodes

Toutes les procédures expérimentales ont été approuvées par le comité local d’éthique de l’hôpital Rangueil. Afin d’évaluer l’impact de la MP sur la pression artérielle dans un contexte de diabète, 16 souris C57BL/6 femelles âgées de quatre semaines ont été randomisées en deux groupes. Les souris du groupe expérimental ont été colonisées pendant un mois à intervalles réguliers espacés de 24 heures par une microflore sous-gingivale pathogène (Porphyromonas gingivalis, Prevotella intermedia et

Résultats

Dans cette étude, nous avons analysé la lyse osseuse alvéolaire mandibulaire par microscanner suite à la charge bactérienne par des périopathogènes spécifiques dans un contexte de dysrégulation métabolique. Nous avons mis en évidence dans les deux groupes une lyse osseuse alvéolaire mésiale, furcatoire et distale au niveau de la première molaire (Fig. 1A–E). Les souris nourries par HFD présentent toutes une résorption alvéolaire majorée lorsque le régime a été mis en place dans un contexte

Discussion

À notre connaissance, cette étude chez la souris est la première à démontrer qu’un régime diabétogène induit une lyse osseuse alvéolaire identique aux formes anatomocliniques des MP. Ces données suggèrent qu’une infection parodontale installée augmente les dysrégulations métaboliques et l’hypertension artérielle induite par le HFD.

La parodontite est une maladie chronique infectieuse des tissus de soutien dentaires à manifestation inflammatoire de bas grade [11]. La MP est connue pour augmenter

Conclusion

Nos résultats suggèrent qu’une infection parodontale est susceptible d’aggraver ou potentialiser un trouble métabolique en majorant l’hypertension artérielle. Le microbiote parodontal peut représenter une nouvelle cible thérapeutique pour une meilleure prise en charge de ces pathologies car la MP et son implication systémique représentent un enjeu majeur de santé publique.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Financement : cette étude a été supportée en partie par une bourse de la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA) et en partie par une bourse de la Société francophone de diabète (SFD). M. Serino est financé par European Commission's Seventh Framework programme sous l’agrément no 241913 (FLORINASH) et par SFD-GlaxoSmithKline (GSK) ainsi que l’institut Benjamin Delessert.

Remerciements

Nous remercions le Laboratoire de biologie du tissu osseux, Inserm U890-IFR 143-IFRESIS Saint-Étienne, pour son assistance technique lors des microscanners et Anne-Marie Blasco pour les corrections de la langue française.

Références (27)

  • G.S. Hotamisligil

    Inflammation and metabolic disorders

    Nature

    (2006)
  • P.D. Cani et al.

    Metabolic endotoxemia initiates obesity and insulin resistance

    Diabetes

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  • H. Löe

    Periodontal disease. The sixth complication of diabetes mellitus

    Diabetes Care

    (1993)
  • Cited by (8)

    • Inorganic nitrate: A potential prebiotic for oral microbiota dysbiosis associated with type 2 diabetes

      2021, Nitric Oxide - Biology and Chemistry
      Citation Excerpt :

      Higher abundance of Rothia and Neisseria and lower abundance of Prevotella and Veillonella are related to higher circulating NO2− in response to NO3− supplementation in vivo [72]. The role of oral microbiota in the progression of T2DM is greatly supported by epidemiologic studies linking periodontitis with the risk of T2DM and insulin resistance [82,83], or those indicating that oral microbiota dysbiosis is associated with progression of insulin resistance and impaired glucose metabolism [84–86]. Small amounts of mechanistic evidence are available regarding the potential role of oral microbiota dysbiosis in the development of T2DM.

    • Human microbiota in health and disease: From pathogenesis to therapy

      2018, Human Microbiota in Health and Disease: From Pathogenesis to Therapy
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